livre La Belle histoire de Sébastien Mehdi el Glaoui (fils de Cécile Aubry) Belle et Sébastien

 

   À l’occasion de la sortie du film "Belle et Sébastien", de Nicolas Vanier, en décembre 2013, Mehdi El Glaoui revisite son enfance solitaire et dorée. Il avait dix ans, il était le petit-fils du pacha de Marrakech et le fils d’une mère célèbre dans le monde du spectacle, qui le rêvait, lui le Franco-Marocain, en enfant chéri des Français. Le petit garçon vivait dans une demeure somptueuse, sans grand monde à qui parler. La jeune « star » évoluait sous les sun-lights, pouponnée par la production et les acteurs auxquels elle préférait, déjà, les techniciens qui lui semblaient plus proches.

 

   Lorsqu’il intègre le système scolaire et la réalité des gamins de son âge, Mehdi se rend compte qu’il a, jusqu’ici, végété dans une bulle qui n’a rien à voir avec la vraie vie. C’est un choc, voire une rupture… À dix-sept ans, il choisit de quitter le domicile familial et part s’installer dans le Cantal où il mène une existence simple, loin des paillettes. Pourtant, si sa carrière d’acteur et le vedettariat ne lui manquent pas, il retrouve le chemin des plateaux du côté des techniciens et des « faiseurs de films » auprès desquels il s’est toujours senti si bien. Il devient réalisateur et obtient même le césar du meilleur court-métrage en 1985. Tel « un troublant retour vers le futur », ainsi qu’il nomme lui-même cette expérience, il joue le rôle d’un forestier dans le "Belle et Sébastien" de Nicolas Vanier.

Interview de Mehdi el Glaoui à propos de son livre "La Belle histoire de Sébastien" pour Paris Match :

Mehdi, le héros inoubliable de « Belle et Sébastien », se livre pour la première fois dans « La Belle histoire de Sébastien », un recueil de souvenirs.

   C’est l’histoire d’un garçon de 6 ans que la France entière attendait chaque dimanche à 19h30, sur l’unique chaîne de l’ORTF. Quand la famille n’avait pas de poste de télévision, on allait chez les voisins retrouver l’adorable enfant sauvage et sa chienne blanche.

   C’est l’histoire d’un jeune homme de 18 ans qui a enfourché sa BM pour partir sur les traces du grand absent de sa vie, son père, caïd de Telouet et Ouarzazate… écrivant ainsi le mot « Fin » sur ce temps béni et étrange où il était enfant-vedette, enfant chéri de sa mère-pygmalion, Cécile Aubry.

   Et c’est l’histoire d’un mec qui, à 56 ans, prend aujourd’hui le temps de regarder en arrière le paysage unique de sa vie. Avec tendresse, lucidité, humour et humilité. Mehdi, le héros inoubliable de « Belle et Sébastien », se livre pour la première fois dans « La Belle histoire de Sébastien » (Michel Lafon).

 

Vous êtes d’un naturel discret. Qu’est-ce qui vous a décidé à prendre la plume ?

   On me demande souvent des anecdotes de tournage, de mon enfance… J’avais commencé à les consigner, ne serait-ce que pour ne pas oublier. C’est un concours de circonstances qui a fait que j’ai eu envie de les sortir du tiroir. Les éditions Michel Lafon m’ont proposé d’écrire mes mémoires à l’occasion du film réalisé par Nicolas Vanier, adapté de l’œuvre de ma mère. Le tournage a été pour moi comme un immense flashback très émouvant. Tout est remonté, trois ans après la mort de maman. A l’époque, j’avais trouvé qu’on n’avait pas assez parlé d’elle. Aujourd’hui, mon livre est ma manière de lui rendre hommage.

 

Le lecteur retrouvera le petit garçon et l’ado que vous étiez, dans l’homme que vous êtes devenu.

   C’était étrange d’écrire ma propre bio : je ne suis pas encore un vieillard, et je suis toujours acteur ! Mais après tout, avec 50 ans de métier, j’ai le droit. Je l’ai fait avec sincérité, sans pathos, je déteste ça. Y compris quand je parle des gestes déplacés qu’a pu avoir envers moi le directeur du pensionnat, à l’époque où j’étais chez les frères… Des faits qui, je crois, étaient malheureusement répandus dans la société en général, à l’époque. Cet épisode a achevé de me donner envie de mettre les voiles, moi qui passais déjà pour un rebelle parce que j’avais un disque de Led Zeppelin. Si c’était ça l’ordre établi –l’abus d’autorité-, je n’en voulais pas. J’ai choisi de parler de choses que j’avais tues jusqu’alors. Certaines heureuses, d’autres moins.

 

Comme la manière dont vous avez vécu la disparition de votre père, Si Brahim El Glaoui, fils du pacha de Marrakech en exil, que vous avez si peu connu.

   J’avais 15 ans, et seulement quelques souvenirs de lui : des photos avec moi au Moulin, dans l'Essonne, qu’il avait achetée en 1950 et où je vis encore ; une visite au collège… puis rien, jusqu’au jour où il me demande sur son lit de mort. J’aurais préféré ne jamais le voir ainsi -un mourant sous assistance respiratoire, qui part sans réussir à me dire « je t’aime ». C’est l’image qui me reste, douloureuse, avec celle, plus romanesque, du beau cavalier de l’Atlas qui tomba sous le charme d’une actrice française sur le tournage marocain de « La Rose noire » avec Orson Welles. Une idylle incroyable, qui dura environ sept ans. Ma mère m’a dit un jour que mon existence était « l’heureux aboutissement d’un beau dîner au champagne et aux chandelles ». Ils s’aimaient ; ça me console un peu.

 

Vous avez demandé votre émancipation à votre mère dès vos 16 ans. Elle vous l’a accordée, vous êtes restés proches, mais vous avez suivi une troupe qui organisait un festival dans le Cantal, où vous avez vécu isolé et heureux jusqu’à 35 ans. Et après avoir coupé le cordon avec votre mère, vous êtes parti sur les traces de votre père, au Maroc. Un voyage initiatique, seul, en moto.

   Le Maroc, c’est 50% de mon être, j’avais un besoin énorme de connaître cette partie de moi. Maman n’en parlait pas beaucoup. Pour elle, le Maroc fut une parenthèse qu’elle a refermée très vite, bien qu’elle ait passionnément aimé mon père. Après, elle a commencé sa troisième vie, radicalement différente des précédentes : d’abord celle de comédienne, parisienne depuis cinq générations, puis la rencontre éblouissante avec le Maroc, et enfin sa carrière d’auteur et réalisatrice à grand succès.

   Le Maroc et moi, c’est « je t’aime moi non plus ». Personne ne m’y attend vraiment, hormis ma chère tante Ito –la seule gauchiste de la famille !- et une cousine qui m’a fait battre le cœur à 17 ans. Mais je ne parle pas arabe –je m’y mettrai peut-être un jour, mais ce sera à fond, pas pour baragouiner trois mots comme un touriste.

 

La vie de votre grand-père fut une épopée. Vous rêvez de l’adapter au cinéma.

   Parti de rien, il est devenu pacha de Marrakech. Et une histoire d’amour l’a conduit de ses montagnes aux salons parisiens, fréquentés par Guitry et consorts… Déjà une romance avec une comédienne française, Simone Berriau. Comme mon père et moi, contre toute attente ! Atavisme ? Coup de chance, plutôt : moi qui avais été un ado sauvage, persuadé de ne pas attirer les filles, je me suis vu dragué par Virginie [Stevenoot, vue récemment dans « Le clan des divorcées », une pièce au succès continu depuis dix ans]… une superbe blonde, marrante, pleine de caractère, croisée un jour de répétitions au théâtre du Palais-Royal. Nous nous sommes mariés il y a deux ans. Aujourd’hui, nous écrivons une pièce ensemble et avons le projet d’ouvrir un théâtre dans le Sud-Ouest, axé comédie et café-théâtre. Et j’ai pris goût à l’écriture, je reviendrai peut-être plus en détails sur des épisodes de ma vie que j’évoque dans cette bio.

Mehdi dans le jardin du Moulin Bleu à Saint-Cyr-sous-Dourdan avec les centaines de lettres  que lui et sa mère ont reçues depuis des années des quatre bouts du monde.
Mehdi dans le jardin du Moulin Bleu à Saint-Cyr-sous-Dourdan avec les centaines de lettres que lui et sa mère ont reçues depuis des années des quatre bouts du monde.

Vous répondez dans ce livre à des lettres envoyées par vos fans il y a quarante ans. Des jeunes filles vous déclarent leur flamme, d’autres disent leur affection à Cécile Aubry.

   Ma mère n’a jamais jeté ce courrier. J’en ai dix sacs pleins, d’un volume de cent litres chacun ! Quand je les ai montré à mon co-auteur, Jean-Marc Longval, il m’a dit : « il faut que tu axes ton livre autour de ces lettres. » C’était une belle idée. Les gens écrivaient à maman comme à une mère ou une amie, à moi comme à un copain, un frère… Ils me disaient : « Passe me voir si tu viens dans la région », ou « Aurais-tu la gentillesse de m’envoyer une photo dédicacée car mes amies ont parié que je n’oserais pas t’écrire ? » Quoi de plus touchant ? C’est ma manière à moi de me faire pardonner, après tout ce temps. De leur dire que je ne les ai pas oubliés.

 

(D'après l'article "Mehdi, le héro, publie un recueil de souvenirs" de Paris Match)

Mehdi en scéance dédicace au Leclerc d'Etampes le 5 janvier 2014
Mehdi en scéance dédicace au Leclerc d'Etampes le 5 janvier 2014