Ses débuts à la réalisation...

Cécile Aubry - cinéma

 

De l'autre côté de la caméra

   Depuis longtemps, Cécile Aubry a joué les vedettes de cinéma: elle est le personnage principal de tous les films d'amateurs tournés en 16mm par son père et peut, grâce à lui, retrouver les images de son enfance.

   Depuis, elle est passée, à son tour, de l'autre côté de la caméra. De vedette, elle est devenue opérateur, metteur en scène, projectionniste et même monteuse puisqu'elle sait très bien coller les films et prendre soin de la cinémathèque familiale dont la nouvelle vedette est son propre fils, Mehdi.

Cécile Aubry raconte le début de son aventure avec "Dans un grand château":

"Je pris donc mon fils par la main, la caméra sous mon bras, 40 mètres de fil électrique sur mon épaule, embauchai ma mère comme unique et première assistante, la chargeai de tout le reste du fourniment et débarquai au château de Dourdan.

   Ma vedette se comporta fort bien, mon assistante demandait grâce: je les traînais l'un et l'autre des souterrains du château aux ronces des bois et, pour un plan de nénuphar, les suppliais de se laisser patiemment dévorer par les moustiques. Un lapin de la ferme fut le partenaire de Mehdi, les chats errants sur les remparts du château ses confidents, comme les vaches des près et la rivière qu'on appelle la Rémarde.

 

   Nous avons donc tourné tout l'été de cette année-là... et tourné en rond. Ensuite, il fallut monter le film, ce que je fis. Il y avait de quoi bâtir une heure et demie, je n'en gardai que quinze minutes... muettes. Oui, voilà bien le drame: mon film était muet.

   Je connaissais un technicien du son à la télévision, j'allai le trouver, ma bobine sous le bras: "Comment faire pour raconter mon histoire là-dessus ? Il me faudrait aussi de la musique et du bruitage, vous savez: la rivière, les vaches, le vent dans les feuilles des arbres, les chats... des miaulements, vous voyez ce que je veux dire ? Et puis mon fils, surtout... mon fils parle dans ce film, vous comprenez. Il dit: "lapin".

   Devant tant d'enthousiasme, mon ami technicien se montre compréhensif mais, avant de me donner conseil, il préféra voir lui-même de quoi il s'agissait... Nous voilà enfermés dans une salle de projection, mes quinze minutes passent, j'admire naïvement la chair de ma chair âgée de deux ans, muette et sur grand écran, quand la porte capitonnée s'ouvre brusquement: c'est le patron du Service qui entre, mail la lumière ne s'allume pas, j'ignore son visage et sa voix n'a rien d'aimable:

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

Je bafouille, j'explique, je m'embrouille...

- Taisez-vous.

Est-ce possible ? Il regarde le film !... A la fin, la salle s'illumine et c'est moi qu'il regarde:

- Qui est le petit qui joue là-dedans ?

- Euh... il n'est pas bien ?

- Si.

- Ah !... C'est mon fils.

 

   C'est à cet instant, je crois, que Mehdi et moi avons été voués l'un à l'autre dans le métier. Je ne le savais pas encore. J'appris seulement ce jour-là que le monsieur-gentil-à-la-voix-sévère adopta mon court métrage. Il me fit enregistrer mon commentaire, choisit une musique, découvrit des miaulements de chats, des beuglements, du vent dans le bois. Restait... "lapin". Qui peut dire lapin comme on le dit à deux ans ? J'empruntai un petit appareil enregistreur et revins au Moulin Bleu. Huit jours plus tard, "lapin" dit par mon fils était mixé avec le reste.

 

   "Dans un grand château", sonorisé, passa à l'antenne le 7 juillet de l'année suivante. Le lendemain, je reçus un coup de téléphone; c'était une dame que je ne connaissais pas, Mme Colonna, elle est devenue depuis l'une de mes meilleures amies.

Elle avait vu le petit film !

- Je ne savais pas que vous écriviez des scénarios pour la jeunesse.

- Euh... c'est le premier.

- Vous ne jouez plus la comédie ?

Non. Comme tout cela me paraissait loin ! "Manon" et le reste, c'était "avant".

- Que diriez-vous de m'écrire une histoire en treize épisodes d'un quart d'heure ?

Ma première productrice venait d'apparaître à l'horizon, je lui écrivis une histoire que j'appelai "Poly"."

(D'après l'article "Mon fils et moi par Cécile Aubry" de la revue "Un jour..." n°3 du 01/10/1969)