Rencontre avec Si Brahim El Mezouari El Glaoui

   C'est en 1949, pendant le tournage de "La Rose noire", dans les dunes de l'Atlas marocain, qu'elle rencontre Si Brahim El Glaoui, caïd de la région de Télouet et de Ouarzazate, en visite sur le plateau. Si Brahim est le fils d'un des plus célèbres pachas de Marrakech Thami el Mezouari el Glaoui (1879-23/01/1956) et de Lalla Kamar, une concubine turque musicienne ayant intégré son harem.

Mehdi parle de ses parents dans son livre "La belle histoire de Sébastien" paru en 2013:

"Lorsque mes parents se rencontrent en 1949, le Maroc est déjà une terre de cinéma qui offre aux superproductions américaines des paysages grandioses, représentant à l'écran tantôt le désert de Gobi, tantôt les étendues sablonneuses de la péninsule Arabique, selon que l'on y tourne les aventures de Marco Polo ou l'épopée de Lawrence d'Arabie. Et c'est mon père, caïd de la région de Télouet et de Ouarzazate, que reviennent la charge et l'honneur de les accueillir.

   Mon père a fait l'école des Roches, cette institution d'esprit anglophile nichée en Normandie, haut lieu de "l'éducation nouvelle" et pépinière d'élites; il est très occidentalisé, il aime le contact avec les stars, et comme il se montre avec elles aussi généreux qu'un prince d'Orient, celles-ci n'y sont pas insensibles.

   A cette époque, ma mère n'a guère plus de vingt. [...] Parée de ce nouveau nom et tout auréolé de la gloire du Lion d'or, ma mère affole Hollywood puis s'envole sous les cieux de Marrakech pour tourner aux côtés de Tyrone Power et Orson Welles un film d'aventure de Henry Hathaway: La Rose Noire, trop heureuse par ailleurs d'échapper aux règles de vie imposées par une gouvernante anglaise aussi stricte que revêche.

   Maman est une princesse du septième art, mon père est un caïd de l'Atlas. [...] Chacun tombe sous le charme de l'autre. Problème: mon père est déjà marié...

   Cela n'empêchera pas ma mère de vivre d'un pays à l'autre, passant des plateaux de tournage aux planches du Grand-Guignol, dormant tantôt dans un hôtel, tantôt dans un riad au cœur de la Médina. [...]

   La situation matrimoniale de mon père les obligera à tenir leur liaison secrète six années durant. "J'ai vécu dans une espèce de clandestinité, sans me montrer. Je mentais à tout le monde, c'était très éprouvant", dira maman bien des années plus tard."

 

   En 1956, le protectorat français au Maroc prend fin (abrogation le 2 mars 1956, moins de deux mois après la mort du Pacha Thami el Glaoui) et en 1957, Sidi Mohammed ben Youssef, sultan de l'Empire chérifien depuis 1927, devient le roi du Maroc (jusqu'en 1961) sous le nom de Mohammed V.

"Tous ceux qui avaient pris fait et cause pour le Pacha - mon grand-père - doivent faire alors allégeance. Mon père, premier soutient du Pacha et fidèle à la France, est banni. L'ensemble de ses biens est saisi. Condamné à l'exil [...], il se réfugie à Paris où il cesse aussitôt de faire de la politique. [...] Mon père n'est pas mort dans la misère, mais il a fini sa vie dans une situation très précaire, reclus dans un petit appartement du XVIème arrondissement, avec pour seul bien une Dauphine et pour unique revenu une pension de réfugié politique."

"L'indépendance du Maroc prive mon père de sa fortune et l'oblige à quitter son pays natal, mais lui permet de sauver in extremis l'honneur de maman. A peine réfugié en France, il l'épouse le 11 mai 1956, deux semaines avant ma naissance. Il a tenu sa promesse: elle ne sera pas fille-mère."

 

   Après son mariage, Cécile Aubry ne parvient pas à retrouver l'état de grâce de son premier rôle. Elle tourne six films qui sombrent dans l'oubli et abandonne son métier d'actrice.

 

(D'après le livre "La belle histoire de Sébastien" de Mehdi el Glaoui paru le 28 novembre 2013 chez Michel Lafon)